Ce dont nous sommes certains c’est que celui qui va bosser sans en avoir l’envie pour diverses raisons et uniquement pour des motifs alimentaires ne fera pas convenablement son boulot. La technique du « c’est pas de ma faute c’est de celle de l’autre » a vécu et il serait temps d’en prendre conscience. Nous sommes tous responsables de ceux qui nous entourent.
Nous rencontrons beaucoup de restaurateurs et si certains d’entre eux semblent confiants, une large majorité nous dit leurs inquiétudes quant à la reprise et la remise en route de leurs établissements. Principalement au niveau du personnel, aussi bien de cuisine que de salle .
Les restaurateurs optimistes nous disent qu’une fois leurs « états d’âme et rêves utopiques dissipés »le personnel reprendra la route des cuisines et des salles car il faudra bien que chacun recommence à gagner sa vie quand les aides cesseront d’être versées.
Mais d’autres prennent conscience que leurs salariés ont pris l’habitude de vivre autrement, et s’ils envisagent vaguement qu’il va leur falloir reprendre le travail, ils sont très attirés par l’idée d’autre chose leur permettant notamment d’avoir une vie privée et personnelle moins contraignante et bien plus épanouissante.
Les études confirment que pendant cette période inédite, près d’un salarié sur 2 a eu une réflexion personnelle profonde quant à son choix de vie future et a pensé à une reconversion professionnelle (enquête Visiplus academy et BVA, Juin 2020). Cela concerne encore plus (63%) ceux qui occupent le même poste depuis 4 ou 5 ans.
Si les conditions de travail dans la restauration semblent s’être améliorées ces dernières années un grand nombre d’employeurs ont un mal fou à faire évoluer leur entreprise notamment les petites et moyennes structures familiales ou dirigées par des restaurateurs indépendants.
Ce sont pourtant eux qui sont le plus concernés quand on connaît les raisons de reconversion évoquées (toutes activités confondues) :
– L’ennui et le manque de sens (manque de vision des managers)
– La pression subie dans le poste actuel (mauvaise organisation)
Les salariés qui sont employés dans des établissements étoilés ou gastronomiques semblent davantage passionnés que les autres et souhaitent majoritairement reprendre le plus rapidement possible leur place. Ce qui est loin d’être le cas dans les établissements de plus petites ou moyennes catégories où il est fréquent de croiser du personnel mal formé ou qui cherche avant tout à payer son loyer et remplir son frigo.
Malheureusement certains employeurs s’agacent et s’ils vous disent « si ça ne leur plaît pas qu’ils changent de métier » et bien rassurez-vous c’est bien ce qu’ils font ! 50 % des jeunes qui rentrent au lycée hôtelier abandonnent leur apprentissage dans la première année. Il y a bien des raisons qui ne sont pas toutes imputables à une génération qui, d’après certains, ne voudrait plus bosser.
Aujourd’hui nos jeunes veulent peut-être plutôt bosser autrement en fonction de l’évolution de la société et peut-on leur en vouloir réellement ?
Ne serait- ce pas plutôt la profession campant sur ses certitudes qui aurait raté un virage sociétal ?
D’un autre côté des restaurateurs ayant décidé de s’adapter en faisant de gros efforts semblent être confrontés au même problème lié au personnel et cela nous amène à nous poser d’autres questions.
La nouvelle génération ne ressent-elle pas une gêne idéologique quant à être au service d’une clientèle de plus en plus exigeante et souvent de mauvaise foi ?
Globalement le « travail » ne serait -il plus le moteur essentiel de nos vies au 21ème siècle ?
La recherche de notoriété, du paraître ne pousserait-elle pas nos jeunes dans d’autres directions apparemment plus ludiques ou leur donnant une autre assise sociale que d’être au service d’un ingrat ?
C’est pourtant dans le service et l’aide à la personne que la demande et le besoin sont de manière croissante de plus en plus nécessaires (ainsi que l’économie verte qui dans un sens reste tournée vers l’autre).
Et donc cette probable crise de la restauration ne pointerait elle pas du doigt encore une autre limite, celle de l’individualisme ?
Employeurs, salariés, clients, personne ne vaut plus qu’un autre et chacun a besoin de l’autre. La responsabilité d’une sortie de crise réussie est collective.